6
La Princesse lointaine
Quand Yvain se rendit en Rheged, à la cour du roi Uryen, son père, en compagnie de son épouse Laudine de Landuc, il fut bien surpris d’y retrouver Morgane. Uryen, en effet, qui était veuf depuis plusieurs années, avait pris la sœur d’Arthur comme femme, bien qu’il fût bien plus âgé qu’elle et sans se soucier de ce que ses vassaux pouvaient penser de cette union. Yvain comprit alors pourquoi Morgane était venue à son aide lors de son séjour mouvementé au château de Pesme Aventure. Il y eut de nombreuses réjouissances pour le retour d’Yvain, qui raconta à son père, avec force détails, ce qui lui était arrivé dans la forêt de Brocéliande.
À ce moment-là, il y avait à la cour de Rheged un jeune chevalier pour lequel Uryen éprouvait beaucoup de sympathie. Il se nommait Guigemer, et il était le fils d’un petit seigneur de la Bretagne armorique. Son père l’avait envoyé auprès du roi Uryen pour que celui-ci en fît un noble et preux chevalier. Uryen avait tellement apprécié la bravoure, les manières et l’habileté de Guigemer, qu’il en avait fait l’un de ses proches et qu’il le consultait chaque fois qu’une décision était à prendre. Car le jeune homme était aussi sage que brave, et tout le monde le tenait en grande affection. Les femmes de la cour l’auraient volontiers pris comme ami, et plusieurs d’entre elles l’avaient requis d’amour, mais Guigemer paraissait ne pas s’en apercevoir. Seul comptait pour lui l’art de chevalerie.
Un soir, il décida de partir à la chasse le lendemain et s’y prépara en conséquence. En pleine nuit, il fit éveiller ses écuyers, ses veneurs et ses rabatteurs. Au petit matin, il quitta son logis et pénétra dans la forêt. Il fut bientôt sur la piste d’un grand cerf roux. On découpla les chiens et les veneurs coururent par-devant. Guigemer les suivait à distance, un valet lui portant son arc, son couteau de chasse et son carquois. Tout en chevauchant, il cherchait un gibier sur lequel il aurait pu lancer ses flèches. Mais le bruit que faisait tout ce monde éloignait les animaux, et Guigemer se sépara de ses compagnons pour mieux débusquer une proie. Il alla tant qu’il sortit de la forêt et se trouva sur une grande lande fleurie qu’il traversa rapidement. De l’autre côté, sur le flanc d’une montagne, une autre forêt, très ombragée, s’offrit à ses regards. « Voici qui me convient, se dit-il. Ici, je pourrai chasser tout à loisir. »
Il s’engagea dans le bois. Dans l’épaisseur d’un grand buisson, il vit une biche et son faon qui s’enfuyaient silencieusement à son approche. C’était une bête toute blanche, qui avait sur la tête les bois d’un cerf. Sans hésiter, Guigemer tendit son arc et tira. La flèche atteignit la biche au sabot de devant. La bête s’abattit aussitôt, mais, chose merveilleuse et incroyable, la flèche revint en arrière, vola à travers les airs et vint frapper Guigemer à travers la cuisse, lui causant une intolérable souffrance et l’obligeant à descendre de son cheval. Il s’écroula sur l’herbe verte, perdant son sang en abondance. Quant à la biche, elle était si cruellement blessée qu’elle geignait. Et voici qu’elle se mit à parler d’une voix humaine : « Tu m’as tuée, homme maudit, tu m’as causé une blessure qui me sera fatale ! Mais toi, vassal, qui m’as ainsi blessée, tu n’auras jamais remède à ta blessure, ni par herbe, ni par art de médecine, ni par incantation. Tu souffriras sans que personne puisse venir à ton aide, jusqu’à ce que tu découvres celle qui te guérira, celle qui souffrira pour toi les pires tourments de l’amour que jamais aucune femme ne connut. Et toi-même, tu souffriras encore plus de ton amour que de ta blessure, à tel point que tu feras l’émerveillement de tous ceux qui ont aimé, qui aiment et qui aimeront. Va-t’en d’ici, maudit chasseur ! Laisse-moi en paix ! »
Guigemer se redressa péniblement et eut bien du mal à se remettre en selle. Il s’éloigna en pensant à ce qu’il venait d’entendre et qui l’effrayait tant. Jamais il n’avait rencontré une femme dont il eût souhaité obtenir l’amour. Si les paroles qu’avait prononcées la biche étaient vraies, il ne lui restait plus qu’à mourir, car jamais il ne trouverait une femme qui pût souffrir d’amour pour lui plus que toutes les autres femmes du monde. Et pourtant, il n’avait aucune envie de mourir. Il appela son valet : « Ami, éperonne ton cheval ! Dis à mes compagnons de revenir au plus tôt ! » Le valet partit à grande allure et Guigemer demeura seul. Sa plaie était profonde. En gémissant, il prit un morceau de sa chemise et banda sa cuisse en serrant bien fort pour éviter que son sang ne coulât. Puis il attendit. Ses compagnons revinrent avec le valet et s’étonnèrent de ce qui lui était arrivé. On fit une civière et on le transporta jusqu’à son logis.
Là, on fit venir des médecins, mais ils eurent beau répandre des onguents sur la blessure, celle-ci ne se fermait pas et la souffrance qu’endurait Guigemer ne s’atténuait pas. Quelques jours plus tard, voyant que rien n’y faisait, Guigemer demanda à l’un des écuyers d’aller trouver la reine Morgane. Il savait qu’elle était savante en l’art de magie et en toutes sortes de médecines. Peut-être trouverait-elle le moyen de le guérir.
Quand elle fut prévenue, Morgane vint à son chevet. Elle examina la blessure et se fit expliquer par Guigemer comment une telle chose avait pu se produire. Il lui raconta tout par le détail, lui répétant les paroles prononcées par la biche blessée. « Certes, dit Morgane, te voici sous le coup d’un sortilège. Ce n’est pas une biche que tu as ainsi blessée, tu t’en doutes bien. Et c’est pour cela que sa vengeance est inéluctable[38]. Mais la malédiction est trop précise pour que j’y puisse quelque chose. Seule, une femme qui t’aimera et qui souffrira de son amour plus qu’aucune autre femme au monde peut guérir ta blessure. Il ne te reste plus qu’à la trouver. Voici ce que tu vas faire : sans rien dire à personne, et sans te faire accompagner, tu t’en iras, demain matin, jusqu’au rivage de la mer, à l’endroit où s’ouvre l’estuaire. Il y a là un promontoire qui s’avance au milieu des eaux. Tu y trouveras une barque, tu y monteras et tu te laisseras aller où le destin te mènera. C’est tout ce que je peux faire pour toi, seigneur, et je te recommande à la grâce de Dieu. » Ayant ainsi parlé, Morgane quitta Guigemer, le laissant à ses pensées tumultueuses et contradictoires. « Suis-je en pleine diablerie ? » se dit-il. Cependant, il sentait que l’espoir renaissait en lui.
Le lendemain matin, avant l’aube, il se leva avec beaucoup de difficultés et, sans se faire remarquer de quiconque, il s’en alla aux écuries, choisit un cheval rapide, monta en selle et s’éloigna vers le rivage. Il arriva ainsi sur le bord d’une falaise et vit le promontoire et l’estuaire dont lui avait parlé Morgane. C’est vers le promontoire qu’il se dirigea. En gémissant, car sa plaie le faisait terriblement souffrir, il descendit de son cheval et s’engagea sur un étroit sentier. Il y avait là une crique très abritée, que l’on ne voyait même pas du haut de la falaise, et dans cette crique il aperçut un petit bateau dont la voile battait au vent.
Guigemer s’étonna fort de la présence de cette barque mais, sans plus attendre, il se hissa à bord. Il pensait y trouver des hommes chargés de sa garde, mais il n’y avait personne. La barque était en très bon état, si parfaitement enduite de poix au-dedans et au-dehors qu’on n’aurait pu y trouver la moindre jointure. Les chevilles et les crampons étaient en ébène, et la voile était en soie très solide. Au milieu de la barque était dressé un lit dont les pieds et les côtés étaient incrustés d’or, de cyprès et d’ivoire très blanc. La couverture était en zibeline, voilée de pourpre d’Alexandrie. La couette qui la recouvrait était en drap de soie broché d’or. Quant à l’oreiller, il était si doux qu’il semblait un nuage. À la proue de la barque, il y avait deux chandeliers et, dans chacun, un cierge était allumé.
Guigemer s’émerveillait de ce qu’il voyait. Mais, comme la douleur de sa blessure le rappelait cruellement à la réalité, il s’étendit sur le lit afin de s’y reposer, car l’effort qu’il avait accompli avait été rude. Puis il se souleva, espérant voir quelqu’un venir pour s’occuper du bateau. Il s’aperçut alors que la barque était en haute mer. Elle l’emportait, fendait les flots à grande allure. Il la sentait à peine se balancer sur les vagues. Le vent était doux et gonflait la voile, et de grands oiseaux blancs tourbillonnaient dans son sillage.
Guigemer ne savait que penser. Qu’allait-il devenir dans cette barque qui s’en allait ainsi au gré des flots sans personne pour la diriger ? Il souffrait toujours autant. Alors, il pria Dieu de le protéger, de le mener à bon port par sa puissance et de le défendre de tout péril. Puis, il se recoucha et tomba bientôt dans un profond sommeil.
Or, dans une île, au grand large, il y avait une antique cité dont le seigneur était un très vieil homme. Il avait pour femme une dame de haut lignage, franche, courtoise et très belle. Mais, il était jaloux d’une façon démesurée. Car c’est une loi de la nature que les hommes âgés redoutent d’être trompés. Il faisait donc surveiller sa femme avec beaucoup de rigueur. Sous le donjon, un verger clos de toutes parts descendait vers la mer. L’enceinte était en marbre vert, haute et très épaisse, avec une seule entrée où, nuit et jour, des gardes armés veillaient. À l’autre bout, s’étendait la mer, et personne ne pouvait arriver de ce côté, sauf en bateau.
C’est dans ce verger que le seigneur, pour mettre sa femme en lieu sûr, avait fait construire une demeure. Sous le ciel, il n’en était certes pas de plus belle : à l’entrée, une chapelle. Pour accéder à la chambre, il y avait un couloir sur les murs duquel on avait peint des histoires du temps passé. C’est dans cette chambre que la dame était contrainte de résider. Le seigneur lui avait donné pour compagne une jeune fille noble et parfaitement élevée, sa nièce, la fille de sa sœur, et une grande amitié s’était établie entre les deux femmes. Elles se promenaient ensemble dans le verger, devisant à loisir, et partageaient le même repas. Tant qu’elles n’étaient pas rentrées dans la demeure, personne, homme ou femme, ne pouvait pénétrer dans le verger. Un vieux prêtre aux cheveux blancs gardait la clef de la porte. Il célébrait le service divin devant la dame et il la servait à sa table. Le seigneur avait entièrement confiance en lui, car il y avait longtemps qu’il avait perdu l’usage de certains membres. Autrement, il n’aurait jamais autorisé sa présence auprès de sa femme.
Un jour, avant le repas du soir, la dame alla dans le verger en compagnie de sa suivante. Elle avait dormi une partie de la journée et elle éprouvait le besoin de s’ébattre quelque peu. Tout en devisant, les deux femmes regardaient la mer. Or, au moment où le soleil devenait rouge à l’horizon, elles virent venir sur l’eau qui montait, une barque, dont la voile était gonflée par le vent et qui cinglait droit vers le rivage. Elles furent bien étonnées de n’apercevoir aucun homme à bord.
La première réaction de la dame fut de s’enfuir tant la chose était extraordinaire. Elle était toute pâle et décolorée. Mais la jeune fille, qui était plus hardie, la réconforta en lui disant que puisqu’il n’y avait personne dans la barque, aucun danger n’était à redouter. « Voilà une grande merveille, dit-elle encore, et je ne vois pas pourquoi nous aurions peur d’en savoir davantage. » Elle courut vers l’endroit où la barque accostait, ôta son manteau et, sans hésiter, monta à bord. Il n’y avait effectivement personne, mais en regardant plus attentivement, la jeune fille aperçut le chevalier qui dormait sur le lit. Elle s’arrêta, l’examina attentivement, et le voyant si pâle, elle crut qu’il était mort.
Elle s’en revint hâtivement vers la dame et lui raconta ce qu’elle avait vu, ajoutant qu’elle éprouvait beaucoup de pitié pour le bel inconnu qui gisait ainsi sur le lit. La dame lui répondit : « Je veux le voir. S’il est vraiment mort, nous l’ensevelirons avec l’aide du prêtre et nous ferons dire une messe pour le repos de son âme. Mais s’il est vivant, il nous parlera et nous dira la raison de sa présence sur ce bateau. » Elles allèrent donc vers la barque sans tarder davantage. La dame marchait devant et la jeune fille suivait.
La dame monta à bord et, tout de suite, elle s’approcha du lit. Elle s’arrêta, regarda le chevalier, déplorant de le voir en cet état, lui qui avait un si beau corps, un si beau visage et qui paraissait si jeune. Elle lui mit la main sur la poitrine et sentit qu’elle était toute chaude et que le cœur battait sous les côtes. « Il est vivant ! » s’écria-t-elle. La jeune fille vint la rejoindre. À ce moment, le chevalier ouvrit les yeux et regarda les deux femmes. Il comprit qu’il avait touché terre. Se soulevant légèrement, il les salua joyeusement. La dame lui rendit son salut et lui demanda qui il était, dans quel pays il était né et dans quelles circonstances il se trouvait seul dans cette barque que personne ne dirigeait.
« Dame, répondit le chevalier, mon histoire est incroyable, mais je vais quand même te la raconter sans rien cacher ni omettre. Tu me croiras si tu le veux, mais je jure que c’est la vérité. Il y a quelques jours, je chassais dans les bois. Je lançai une flèche sur une biche blanche, mais la flèche, par l’effet de quelque enchantement, revint vers moi et me blessa si rudement à la cuisse que je pense ne plus jamais recouvrer ma santé. Et, chose plus extraordinaire encore, la biche m’a parlé, se plaignant avec une voix humaine. Elle m’a maudit, me jetant un sort. Je ne pourrai recevoir guérison que d’une femme que j’aimerai et qui souffrira d’amour pour moi. Mais je ne sais où la chercher. Je racontai mon aventure à Morgane, la sœur du roi Arthur, qui est experte en charmes, et elle m’a conseillé de me rendre au rivage, précisant que j’y trouverais une barque et que je devrais y monter. C’est ce que j’ai fait. Mais c’était une folie, car dès que je fus à bord, la barque se mit à dériver toute seule et je me retrouvai en pleine mer. Je ne sais pas où je suis, ni où je dois aller, et je ne peux gouverner la barque puisque je suis blessé. Belle dame, par Dieu tout-puissant, je t’en prie, donne-moi un conseil. »
La dame lui répondit : « Seigneur, n’aie aucune crainte. Cette cité appartient à mon époux, ainsi que la contrée d’alentour. C’est un homme riche, de haut lignage, mais il est très âgé, et par la foi que je dois à Dieu, il est dévoré par la jalousie. Il me tient recluse dans cet enclos. C’est ici que je vis nuit et jour, c’est ici que j’ai ma chambre et ma chapelle, en compagnie de la jeune fille que tu vois. Il n’y a qu’une seule entrée et c’est un vieux prêtre qui en détient la clef. Fasse le Ciel que le feu d’enfer le brûle ! Je ne peux sortir d’ici qu’avec sa permission ou sur l’ordre de mon seigneur. Mais, malgré cela, s’il te plaît de demeurer ici jusqu’à ce que tu puisses marcher, nous te cacherons sans peine et nous te servirons volontiers. »
Guigemer était fort ému de ce que venait de dire la dame. Il la remercia vivement, tout joyeux de séjourner avec ces deux femmes qui venaient de le tirer de son lourd sommeil, agité de cauchemars. Il se souleva sur son lit et se mit debout. Puis, appuyé sur elles, il les suivit jusqu’à la chambre. C’est sur le lit de la jeune fille, derrière un rideau qu’elles appareillèrent en guise de courtine, qu’elles couchèrent le jeune homme. Elles apportèrent de l’eau dans un bassin d’or et lavèrent la plaie de sa cuisse. Elles enlevèrent le sang tout autour avec un beau morceau de toile, puis elles lui firent un bon pansement. Elles prirent grand soin de lui, lui demandant, chaque fois qu’elles le touchaient, si elles ne lui faisaient point de mal. Guigemer se laissait aller à rêver et pensait beaucoup moins à sa souffrance.
Le soir, quand le vieux prêtre eut servi le repas et se fut retiré, la jeune fille en préleva ce qu’il fallait pour nourrir et réconforter le chevalier. Il put ainsi manger à sa faim et boire à sa soif. Mais il ne pouvait s’empêcher de contempler le visage de la dame, sentant en lui les atteintes d’un sentiment qu’il n’avait jamais éprouvé. Il ne pensait plus à sa plaie, mais un autre combat se livrait dans son cœur et le faisait souffrir d’une autre façon. Il soupira longuement et demanda qu’on le laissât dormir. La dame et la suivante le quittèrent.
Mais, Guigemer ne pouvait trouver le sommeil. Pensif et angoissé, il ne comprenait pas très bien ce qui lui arrivait, mais il était sûr d’une chose : il mourrait si la dame ne guérissait pas sa nouvelle blessure. « Hélas ! se disait-il en lui-même, que dois-je faire ? Aller la trouver et lui demander d’avoir pitié d’un malheureux que le destin a durement frappé ? Si elle repousse ma prière et si elle se montre orgueilleuse et fière, je n’aurai plus qu’à mourir de douleur ou à languir tous les jours qui me restent à vivre ! » Il pleura silencieusement toute la nuit, ne pouvant calmer l’agitation qui s’était emparée de lui. En soupirant, il passait et repassait dans sa mémoire toutes les images qui l’avaient frappé : les paroles de la dame, sa façon de bouger, le mouvement de ses lèvres, la couleur de ses beaux cheveux, son teint clair et ses mains blanches et fines. « Dieu tout-puissant ! se dit-il encore, ne serait-ce pas celle qui doit me guérir de ma blessure, celle qui doit souffrir d’amour pour moi plus qu’aucune autre femme au monde ? »
Mais, il n’était pas le seul à être tourmenté. Au petit matin, la dame se leva avant le jour, se plaignant de n’avoir pas dormi. La jeune fille qui couchait auprès d’elle devina bien à son visage qu’elle souffrait du mal d’amour et que son attention était tout entière dirigée vers le chevalier qu’elles avaient hébergé dans leur chambre. Cependant, comme elle ne savait pas si lui, de son côté, avait de l’inclination pour elle, elle se garda bien de tout commentaire. La dame s’en alla prier dans sa chapelle, et, pendant ce temps, la suivante vint trouver le chevalier. Elle s’assit sur une chaise en face du lit. « Amie, demanda-t-il, où donc est allée ma dame ? Pourquoi s’est-elle levée si tôt ? »
Elle ne répondit rien, et il se mit à soupirer. « Chevalier, dit enfin la jeune fille, j’ai bien compris que tu es dévoré par le mal d’amour. Ne t’en cache pas. Ma dame est fort belle, et toi, tu es beau, et ce serait une bonne chose que de vous accorder. Mais qui veut être aimé de ma dame doit promettre d’être discret et de ne rien faire qui puisse compromettre son honneur. – Jeune fille, répondit Guigemer, je suis épris d’un tel amour que ce mal ne peut qu’empirer si l’on ne vient pas à mon aide. Conseille-moi : comment faire pour lui avouer ce que je ressens ? – Laisse parler ton cœur », répondit-elle en souriant.
Après avoir entendu la messe dans la chapelle, la dame revint dans la chambre. Elle avait hâte de connaître l’état du chevalier, s’il dormait ou s’il s’était réveillé. La suivante, sans un mot, la conduisit près du lit où reposait le chevalier et les laissa tous deux. « As-tu passé une bonne nuit, demanda la dame, et ta blessure te fait-elle encore souffrir ? » Il n’osait rien répondre. Étant de terre étrangère, il avait peur, s’il avouait son amour, qu’elle le repoussât, qu’elle le prît en haine et ne l’obligeât à s’éloigner. Mais ce qu’il endurait était tel qu’il ne pouvait plus se taire. « Dame, dit-il, la blessure que tu as vue et que tu as si habilement pansée n’est rien à côté de celle que tu m’as infligée ! – Comment cela ? fit la dame en feignant l’étonnement. – Dame, reprit Guigemer, je ne peux plus rien te cacher. Je meurs à cause de toi. Je requiers ton amour et te prie de ne pas m’éconduire. »
Elle l’écoutait avec ravissement. « Ami, dit-elle en riant, je n’ai pas coutume d’accorder une pareille demande aussi vite ! – Ah ! s’écria Guigemer, écoute sans te fâcher ce que je vais te dire : une femme coquette se fait longtemps prier afin de se mettre à plus haut prix, et pour que celui qui la courtise la croie tout ingénue dans ce jeu. Mais la dame franche et noble qui trouve un homme qui lui convient ne fait jamais la fière avec lui. Elle l’aime, elle en prend sa joie, et avant que nul ne s’en doute, tous deux trouveront le bonheur. Dame, finissons ce plaidoyer, car je ne peux plus attendre ! »
La dame savait bien qu’il avait raison. Elle se pencha vers lui, remplie d’émotion, et lui octroya sur-le-champ son baiser et son amour. Guigemer en fut tout bouleversé. Ils parlèrent et devisèrent ensemble un long moment, puis ils en vinrent aux baisers et aux caresses, et à beaucoup d’autres choses que les amoureux connaissent bien. Ils vécurent ainsi dans la joie de nombreuses semaines, et la blessure de Guigemer ne fut bientôt qu’un mauvais souvenir.
Cependant, un matin d’été, alors que la dame reposait à côté de son ami, elle lui baisa la bouche et le visage, puis lui dit : « Quelque chose m’inquiète, bel ami, car, cette nuit, j’ai eu un rêve que je ne peux oublier. Mon cœur m’avertit que je vais te perdre. Oui, nous allons être surpris et découverts. Si tu meurs, je mourrai aussi, mais si tu en réchappes, tu aimeras une autre femme, et moi, je resterai seule avec ma douleur. – Dame, répondit Guigemer, ne dis pas de telles folies ! Dieu fasse que je n’aie plus ni joie ni paix si je me consolais avec une autre femme ! N’aie aucune crainte à ce sujet. » La dame réfléchit un instant, puis elle reprit : « Ami, je veux un gage. Donne-moi ta chemise. Je vais faire un nœud avec le pan de dessus. Je te donne la permission d’aimer la femme qui pourra dénouer l’étoffe sans utiliser la force. » Il lui donna sa chemise et elle en noua un pan d’une telle façon que nul au monde n’aurait pu le défaire sans le trancher avec un couteau. Puis, elle la lui rendit, lui conseillant de la mettre soigneusement en sûreté. Mais, à son tour, Guigemer lui mit autour des reins une ceinture qu’il ferma de telle sorte que personne n’aurait pu ouvrir la boucle sans rompre ou déchirer la ceinture. « Dame, dit-il, je te donne permission d’aimer l’homme qui pourra ôter cette ceinture sans utiliser la force. » Alors, ils échangèrent un long baiser pour sceller leur accord.
Le jour même, ils furent surpris par un valet que le seigneur avait envoyé porter des vêtements pour la dame. Ne pouvant entrer dans la chambre, il avait regardé par la fenêtre et avait vu les deux amants sur le lit. Il retourna en hâte vers le seigneur et lui fit son rapport. Le seigneur entra dans une violente colère. Il envoya chercher trois de ses fidèles, et avec eux, il s’en alla droit vers la chambre. Comme la porte était fermée, il la fit enfoncer. Ils y trouvèrent bien entendu le chevalier en compagnie de la dame. Et la fureur du vieux seigneur était telle qu’il ordonna qu’on le tuât immédiatement.
Guigemer s’était levé, sans hâte et sans s’effrayer aucunement. Il avait pris une grosse perche de sapin sur laquelle on faisait sécher le linge. Il les attendait, les menaçant de son arme improvisée. Les autres reculèrent, car ils savaient bien que le chevalier était décidé à les frapper durement. À le voir ainsi plein de courage et de vigueur, le seigneur, qui prisait fort la bravoure, se radoucit quelque peu et lui demanda qui il était, d’où il venait et comment il était entré là. Guigemer raconta comment il était venu, parla de la biche blessée et de la malédiction qu’elle avait jetée sur lui, de sa plaie et du bateau qui l’avait conduit au pied de cette cité.
« Je ne crois pas à ton histoire, dit le seigneur. Ce sont là des choses impossibles. Dis-moi la vérité. – C’est la vérité, répondit Guigemer. – Alors, donne-moi des preuves. Je veux que tu retrouves le bateau sur lequel tu prétends être venu jusqu’ici. Nous verrons bien ce qui arrivera. Je jure, par Dieu tout-puissant, que si une barque arrive dans le port, je te laisserai partir sain et sauf. Libre à toi, ensuite, de te noyer dans la mer. Mais si tu as menti et si aucune barque ne vient te chercher, tu n’échapperas pas à la mort ! » Guigemer fit une ardente prière et accepta la proposition du seigneur.
Ils quittèrent la chambre et descendirent vers la mer. Quelle ne fut pas leur surprise de voir une barque, au pied de la muraille. Guigemer, émerveillé, la reconnut bien : c’était celle qui l’avait amené. Quant au seigneur, prisonnier de son serment, il le laissa aller. Et dès que Guigemer fut dans la barque, celle-ci quitta mystérieusement le rivage, sa voile gonflée par le vent, et se retrouva bientôt en haute mer. Mais s’il avait échappé à la mort, le chevalier était en proie à la grande douleur d’avoir perdu celle qu’il aimait plus que sa vie. De plus, il se sentait plein d’angoisse pour elle, car il ne savait pas comment son vieil époux allait la traiter pour se venger.
Tandis que Guigemer se lamentait ainsi, la barque entra dans le havre où jadis il l’avait trouvée, au bas du promontoire. Il mit pied à terre et grimpa le long du sentier jusqu’au sommet de la falaise. Un valet passait par là à cheval, tenant à la main un destrier qu’il conduisait. Guigemer l’appela et le valet reconnut son seigneur. Il sauta de sa selle et le salua avec empressement, puis il lui offrit le meilleur des deux chevaux. C’est ainsi que Guigemer regagna son logis où tous ses vassaux et serviteurs se réjouirent de le voir guéri de sa blessure. Le roi Uryen lui fit fête et, quand il fut en présence de Morgane, celle-ci lui sourit d’un air complice, mais elle ne dit rien et ne lui demanda rien.
La renommée de Guigemer était grande dans tout le pays, mais il demeurait toujours triste et pensif. On le pressait de prendre femme, mais il refusait obstinément. À la fin, pour couper court à toutes les tentatives, il fit savoir que jamais il ne voudrait d’une femme, quelles que fussent sa beauté et ses richesses, qui ne pourrait défaire, sans utiliser la force, le nœud qui se trouvait à un pan de sa chemise. Quand la nouvelle se fut répandue, nombreuses furent les jeunes filles et les dames qui voulurent tenter l’épreuve. Mais, à la grande déception de tous, aucune d’elles ne réussit à défaire le nœud.
Pendant ce temps, le vieux seigneur avait réuni ses vassaux et prenait leur conseil pour savoir quel sort il fallait réserver à la dame. On fut d’avis de l’enfermer dans une tour de marbre gris, sans aucune compagnie. Elle y resterait tant que sa vie durerait et on lui passerait nourriture et boisson par un simple guichet. Tel serait son châtiment pour avoir trahi son seigneur. Mais ce qui causait le plus de souffrance à la dame, c’était d’être privée de la présence de son ami. Son enfermement n’était rien en comparaison de l’angoisse qui l’étreignait nuit et jour. Elle gémissait sans cesse et se tordait les mains de désespoir. Si elle avait pu se jeter de la tour dans la mer, elle l’aurait fait, tant la vie n’avait plus aucune importance pour elle. Mais la tour ne comportait qu’une porte et une fenêtre avec de solides barreaux de fer : il était impossible de passer au travers. Et la dame ne pouvait que pleurer en regardant le ciel et en priant Dieu de mettre un terme à tant de souffrances.
Or, un jour qu’elle était à cette fenêtre, elle aperçut un groupe d’oiseaux noirs qui tourbillonnaient au-dessus de la tour. Elle les remarqua bien parce qu’ils semblaient vouloir l’encercler. Elle n’avait jamais remarqué de tels oiseaux dans le pays. Et l’un d’eux se posa même sur le rebord de la fenêtre, à l’extérieur, et lança un cri rauque qui semblait un appel. La dame essaya de tendre la main vers lui, mais il s’envola et rejoignit les autres. Enfin, le tourbillon cessa et les oiseaux disparurent en direction de la mer. La dame se demandait ce que tout cela signifiait, et comme elle passait près de la porte, elle fut bien étonnée en constatant que celle-ci était ouverte. Sans chercher à comprendre, elle la franchit, s’élança dehors sur la falaise avec la ferme intention de se jeter dans la mer afin de s’y noyer. Mais, quand elle arriva au rocher d’où elle voulait se précipiter, elle aperçut la barque qui avait mené le chevalier et qui l’avait ensuite emporté loin de là.
Oubliant son projet de se donner la mort, elle monta dans la barque en se disant : « C’est donc de cela que l’oiseau voulait m’avertir ! Dieu fasse que cette barque me conduise vers le pays où se trouve mon ami ! » Mais il lui vint aussi la pensée que le chevalier avait pu périr en mer et que c’était pour cette raison que le bateau était revenu là. Cependant, elle vit que la barque était maintenant en haute mer et qu’elle allait à grande allure au gré du vent qui était fort. Elle se trouva même prise dans un tourbillon. Les vents tournèrent et elle erra longtemps sur les flots agités. Enfin, tout se calma et la barque arriva dans un petit port, sous une grande et puissante forteresse.
Le seigneur de cette forteresse s’appelait Mériaduc. En ce temps-là, il guerroyait sans cesse avec un de ses voisins. Il s’était levé de grand matin pour aller, avec ses gens, ravager les terres de son ennemi. Or, du haut des remparts, il vit arriver la barque et s’étonna de n’y voir qu’une femme. Il descendit rapidement, appela son sénéchal, et tous deux se hâtèrent vers le bateau. Ils montèrent à bord et virent la dame, très belle malgré ses pleurs et sa fatigue. Mériaduc la souleva et l’enroula dans son manteau, puis il l’emmena dans sa demeure. Il était tout heureux de l’aventure, car il trouvait la dame parfaite et ne se souciait guère de savoir comment et pourquoi elle avait été mise dans cette barque. Il devinait qu’elle était de très haut lignage et se sentait épris d’elle comme il ne l’avait jamais été d’aucune autre femme.
Il avait une sœur qui n’était pas mariée et qui vivait dans sa maison. Il conduisit la dame dans la chambre de la jeune fille et la lui confia. Elle l’entoura de tous ses soins, lui donna de beaux vêtements et la para avec un grand respect. Mais, tout en remerciant ses hôtes de leurs attentions, la dame demeurait triste et pensive, sans que personne parvînt à tirer d’elle autre chose que des politesses d’usage.
Mériaduc venait souvent la visiter. Il lui parlait d’un ton aimable et la priait d’accepter son amour. Mais elle répondait froidement à ses avances, en disant que son cœur n’était pas libre. À la fin, elle lui montra sa ceinture et lui dit : « Seigneur, si tu peux m’ôter cette ceinture sans employer la force, je t’accorderai ce que tu demandes. Mais sache que je n’aimerai jamais un homme sans qu’il puisse m’enlever cette ceinture sans la déchirer. » Mériaduc n’hésita pas et il entreprit d’ouvrir la boucle, ne doutant pas un seul instant de sa réussite. Mais il n’y parvint pas en dépit des efforts qu’il fit. Plus il s’acharnait, plus il devenait furieux, et il fut bientôt sur le point de saisir un couteau et de trancher la ceinture. La dame lui dit : « Cela ne te servira à rien. Je préférerais mourir plutôt que de me donner à un traître qui ne respecte pas une convention ! »
Mériaduc n’insista pas, mais sa colère était vive. « Il y a aussi dans le pays, s’écria-t-il, un chevalier de renommée qui se défend de prendre femme ! Mais lui, c’est à cause d’une chemise dont un pan est noué ! Et il ne peut être délié si l’on y met la force et le couteau. C’est toi, je le pense, qui as fait ce nœud ! » Quand elle entendit ces paroles, elle se mit à soupirer et faillit s’évanouir. Mériaduc la reçut dans ses bras. Il voulut en profiter pour essayer encore d’ouvrir la boucle de la ceinture, mais il dut bientôt y renoncer. Alors, sur son ordre, tous ses vassaux vinrent les uns après les autres pour tenter l’épreuve. Mais aucun ne put y réussir.
Mériaduc voulut en savoir davantage. Il eut l’idée d’un grand tournoi auquel il convia ses vassaux et tous ceux du roi Uryen. Il avait appris que le chevalier Guigemer était un des familiers d’Uryen et il ne manquerait donc pas de venir avec ses compagnons. On verrait bien alors ce qui arriverait lorsque la dame et Guigemer se rencontreraient. Mais, quand on annonça la nouvelle à Guigemer et qu’on lui demanda d’aller au tournoi, il répondit qu’il n’avait aucune envie de jouter et qu’il préférait demeurer seul. Morgane, qui se trouvait présente au moment de son refus, le prit à part et lui dit : « Guigemer, je pense que mes conseils ont été profitables pour toi. – Certes, dame, répondit Guigemer, je n’ai qu’à m’en féliciter. – Alors, reprit Morgane, si je te demande d’aller à ce tournoi, refuseras-tu encore ? » ; Guigemer se mit à réfléchir. « Fort bien, dit-il enfin, je suivrai ton conseil. » Et c’est ainsi que Guigemer accompagna les chevaliers d’Uryen à la cour de Mériaduc.
Celui-ci les hébergea dans la grande tour de sa forteresse et leur fit très bon accueil. Il se montra particulièrement bienveillant envers Guigemer qu’il invita, dans son logis pour le souper. Puis, il ordonna à sa sœur de s’apprêter et de venir les rejoindre avec la dame. Elles obéirent et vinrent, richement vêtues toutes deux, et la main dans la main. La dame était toujours pensive et pâle, mais dès qu’elle aperçut Guigemer, elle eut une faiblesse, et si la jeune fille ne l’avait retenue, elle serait tombée sur le sol.
En les voyant pénétrer dans la salle, Guigemer s’était levé pour les saluer. Mais dès qu’il vit la dame, il la reconnut immédiatement et recula de quelques pas. « Comment ? se dit-il. N’est-ce pas là celle que je ne puis oublier et à qui j’ai donné mon amour sans espoir de le reprendre un jour ? Comment se fait-il qu’elle soit ici, dans la maison de Mériaduc ? Qui l’a amenée ? Mais non, ce n’est pas elle, cela ne se peut pas. Les femmes se ressemblent toutes entre elles, et c’est parce que je ne cesse de penser à ma douce amie que je crois la reconnaître en celle-ci. Pourtant, il faut que je lui parle ! »
Il s’approcha donc de la dame, la salua et s’assit auprès d’elle. Mériaduc les regardait, et ce comportement lui déplaisait fort. Il dit en riant à Guigemer : « Seigneur, si tu le voulais, cette dame pourrait essayer de dénouer le pan de ta chemise. Qui sait si elle n’y parviendrait pas ? – Par Dieu tout-puissant, répondit Guigemer, je le veux bien. » Il appela un de ses valets qui avait la garde de sa chemise, car il ne s’en séparait jamais, même lorsqu’il ne se trouvait point en son logis. Le valet revint bientôt avec la chemise et on la présenta à la dame. Cependant, elle n’y toucha pas. Son émoi était tel qu’elle n’osait pas accomplir le geste qui la libérerait de son chagrin et de sa grande tristesse. « Dame, dit Mériaduc, il te faut essayer de défaire ce nœud ! »
Et elle se décida. Elle prit le pan de la chemise et le dénoua d’une main légère, sans aucun effort. Tous ceux qui se trouvaient là en furent émerveillés. Quant à Guigemer, il ne pouvait y croire. « Dame, douce dame, dit-il, est-ce vraiment toi ? Dis-moi la vérité ! Et laisse-moi toucher sur ton corps la ceinture dont je t’ai entouré la taille. – Oui, certes », répondit-elle. Il glissa ses mains le long de ses flancs et sentit la ceinture. Alors, il défit la boucle et la ceinture tomba sur le sol, à la grande stupéfaction de tous.
Guigemer se leva : « Seigneurs, dit-il, écoutez-moi ! J’ai retrouvé ici mon amie, que je croyais perdue à jamais. Je prie donc Mériaduc de me la rendre, au nom de Dieu. Je deviendrai son homme lige et je le servirai deux ou trois ans avec cent chevaliers, ou plus ! – Guigemer, dit Mériaduc, je ne suis pas dans la gêne et je n’ai nul besoin de ton offre. J’ai trouvé cette femme et je la garderai. Et je défendrai mon droit contre tous ceux qui contesteront ma décision !
— Mériaduc ! s’écria Guigemer, je prends à témoin tous les chevaliers qui sont ici de ta forfaiture. Je vais me retirer avec les miens et j’entreprendrai ce qu’il convient de faire contre toi. Mais j’ai bien peur que cette guerre ne coûte la vie à des gens qui ne sont pour rien dans cette affaire. Si le cœur ne te manque pas, nous pouvons prouver, ici même, seul à seul, toi contre moi, à qui appartient le droit ! – J’accepte ton défi ! » répondit Mériaduc.
Ils sortirent tous deux leurs épées, mais le combat ne dura pas longtemps. D’un seul coup, Guigemer trancha la tête de Mériaduc et, prenant ensuite sa dame par la main, il s’en alla, suivi de tous ses gens[39].